Après deux ans d’absence, le Festival José David retrouvait son lieu emblématique de la chapelle du collège Notre-Dame de Bourgenay aux Sables d’Olonne pour sa huitième édition. En 2019, pour travaux, le collège n’était pas accessible et le festival s’était déroulé au Prieuré Saint Nicolas face à la mer, à La Chaume, grâce aux bons soins de la municipalité des Sables d’Olonne. En 2020, c’est pour des raisons de la pandémie du Covid 19 que Magali Goimard, directrice artistique du festival n’avait pu présenter son programme et accueillir ses invités lyriques et instrumentistes.
Cette année la chapelle a de nouveau rouvert ses portes pour offrir au public sablais – vacancier ou résident permanent – quatre concerts de haute facture. Grâce aux choix toujours judicieux et riches de variété musicale, Magali Goimard proposait au public retrouvé à la fois des pièces connues qu’on ne se lasse jamais de réentendre, mais aussi des oeuvres de compositrices et compositeurs restés – à tort – dans l’ombre.
Pour ses retrouvailles avec le public le lundi 16 août, Magali avait placé le premier concert sous l’égide de José David et Geneviève Rex : une vie en musique. La musicologue et productrice à France Musique Michèle Larivière présenta aux auditeurs le parcours croisé des deux artistes, par ailleurs cousin et cousine. Bien qu’ayant vécu à Paris, ils ont toujours entretenu des liens étroits avec la Vendée en général et Les Sables d’Olone en particulier. A cette occasion nous avons pu entendre quelques enregistrements originaux de José David au piano et la voix chaude et vibrante de Geneviève Rex. Lors de cette présentation le public découvrit le ténor Ismaël Billy dans la » Chanson triste » d’Henri Duparc, suivi de Cécilia Arbel – une habituée du Festival – interprétant » Ce qui me plaît » de José David. Après quelques informations supplémentaires sur la vie artistique des deux musiciens, Michèle Larivière , chaleureusement applaudie, laissait la place aux interprètes.
Magali Goimard mettait José David à l’honneur dans une » Etude et danse pour piano » interprétée avec beaucoup de finesse. Ismaël Billy et Cécilia Arbel lui succédaient s’illustrant chacun à leur tour dans » Tosca » ou » La Bohême » de Puccini puis se retrouvant pour le célèbre duo de La Traviata » Parigio Cara « .
Après une courte pause, le concert reprenait avec Cécilia Arbel qui, de sa voix toujours puissante, nous faisait découvrir le talent de Pauline Viardot compositrice ( à l’honneur cet été sur France Musique ) dans une oeuvre inspirée de Frédéric Chopin : » Mazourke « . Donizetti et Georges Bizet, dans des compositions qu’on ne présente plus, permettaient aux deux artistes lyriques de faire entendre toute l’étendue de leur talent, notamment dans ce duo touchant de Don José et Micaela » Souviens – toi de ta mère » qui allait clôturer le concert. Entre temps, le public toujours très attentionné et peu avare de ses applaudissements avait retrouvé un autre habitué du Festival, le flûtiste Jérôme Van Wynsberge dans une oeuvre de Jacques de la Presle » Orientale « , accompagné au piano par Magali Goimard. Se joignait ensuite à eux le bassoniste sablais Thierry Saunier pour un deuxième mouvement mémorable du » Trio pour flûte, basson et piano de Francis Poulenc. Le public une nouvelle fois conquis ne voulait pas laisser partir les artistes et, toujours soutenus par Magali (infatigable accompagnatrice, se jouant sans effort apparent de toutes les difficultés ), Cécilia Arbel et Ismaël Billy offraient en rappel » Tonight » extrait de « West Side Story » de Léonard Bernstein. La soirée s’achevait dans un tonnerre d’applaudissements. Cette huitième édition était particulièrement bien lancée.
Le mercredi 18 août Magali Goimard proposait un programme couvrant la musique française du XVIII ème au XX ème siècle : De Rameau à Duruflé, programme qui faisait la part belle aux compositrices dont José David – également journaliste – faisait la promotion à son époque. C’est ainsi que le public put découvrir la « Sonate pour alto et piano » de Rebecca Clarke, sonate en quatre mouvements, oeuvre longue et puissante, en opposition totale avec les oeuvres de salon plus intimistes de l’époque, empreinte d’un grand romantisme avec un » côté un peu guerrier par moments » pour reprendre les propos de Magali présentant l’oeuvre qui fut interprétée de façon flamboyante et intimiste avec l’altiste Hélène Desaint . Les deux complices avaient auparavant ouvert la soirée en compagnie du flûtiste Jérôme Van Wynsberge dans la » Cinquième pièce de concert » de Jean-Philippe Rameau. Ils terminaient tous les trois cette première partie en jouant le » Petit poème » d’Ermend Bonal, organiste originaire de la côte basque, dans un jeu d’une grande délicatesse. Au cours de cette première partie, l’auditoire avait une nouvelle fois put apprécier tout le talent de chanteuse et de comédienne de la soprano Cécilia Arbel, chantant et disant à la fois » La Cigale et la Fourmi » de la compositrice contemporaine Isabelle Aboulker. Cécilia enchaîna avec beaucoup d’énergie et d’aisance » La Mer » de Mel Bonis, une composition de 1903. Mel Bonis fut aussi l’une des premières femmes à être admise au CNSMP.
Après une courte pause, Cécilia se joignait à Jérôme Van Wynsberge et Hélène Desaint pour interpréter » La flûte enchantée » de Ravel. Elle poursuivit en interprétant trois courtes mélodies pour flûte et voix de José David où les deux artistes firent entendre toute la finesse de la mélodie. Magali Goimard les rejoignait pour interpréter » La flûte invisible » de Camille Saint-Saëns, rendue avec beaucoup de grâce et d’élégance comme le réclame cette musique. L’un des beaux moments de la soirée – mais il y en eut tant – fut la célèbre » Invitation au voyage » de Baudelaire, musique d’Henri Duparc, interprétée à la fois avec sensualité et intensité. par la soprano. Magali Goimard nous faisait ensuite découvrir une composition de Berthe Marx Goldschmidt » La fileuse » , puis rejointe par Jérôme Van Wynsberge, nous avions le bonheur d’entendre la » Fantaisie pour flûte et piano » de Gabriel Fauré. L’altiste Hélène Desaint se joignait à eux pour interpréter l’unique oeuvre de musique de chambre de Maurice Duruflé, le » Prélude, thème et variation opus 3 » avec lequel il obtint son premier prix de conservatoire, interprétation faite toute de maîtrise et d’énergie. La soirée ne s’arrêtait pas là. En bis, les trois musiciens offraient à l’assistance la belle oeuvre de Reynaldo Hahn » Romanesque « .
Quelle que soit l’oeuvre interprétée, les auditeurs ont pu apprécier tout au long de la soirée la complicité des quatre artistes, dans des interprétations d’une profonde unité, dans un jeu où chacune et chacun, attentif à l’autre, avait le souci de la plus parfaite cohérence.
Dans sa programmation du Festival, Magali Goimard et l’Ensemble Duruflé avaient invité le jeudi 19 août le violoncelliste de renommée internationale Xavier Phillips pour un concert dédié à Bach et à Benjamin Britten.
La soirée s’ouvrait avec la » Première suite pour violoncelle en sol majeur » du Cantor de Leipzig et son célèbre Prélude. Cette interprétation allait donner le ton à la soirée : dynamique, enjoué, mais aussi plus recueilli dans la » sarabande » le jeu de Xavier Phillips séduisait d’emblée l’auditoire. La seconde oeuvre au programme était la » Deuxième suite en ré majeur » de Benjamin Britten. C’est sur les instances pressantes de son ami très cher Mstislav Rostropovich que Britten se décida à écrire six suites pour violoncelle seul, en regard de celles de Bach. Malheureusement le décès prématuré du compositeur anglais en 1976 ne permit à Britten de n’en écrire que trois, en six mouvements comme les suites de son illustre prédécesseur. C’est donc la deuxième de ces suites que nous interpréta avec beaucoup d’intensité et parfois aussi de retenue Xavier Phillips, sachant faire apprécier à l’auditoire les différences rythmiques nombreuses, ainsi de l’andante de la » fugue » contrastant avec l’allegro de la » chaconne » ( » Ciaccona » ) pour finir sur une passacaille ( Introduzione ) écoutée dans le plus grand silence . Le concert se poursuivait avec la sixième et dernière suite de Bach, écrite en ré majeur comme la deuxième suite de Britten, comme si les deux oeuvres faisaient miroir. Beaucoup plus ample que la première, cette sixième suite présente – comme l’expliqua l’interprète – une difficulté supplémentaire puisque Bach l’a écrite pour un instrument à cinq cordes alors que le violoncelle n’en a que quatre. Mais c’est avec beaucoup de maîtrise technique et d’engagement, faisant véritablement corps avec son instrument que Xavier Phillips sut rendre toutes les nuances des cinq danses qui font suite au Prélude. Après ces moments d’une grande intensité, l’invité de Magali Goimard gratifia le public de deux rappels : fidèle à Bach, le violoncelliste, pour notre plus grand plaisir ( et le sien aussi sans doute ) nous fit entendre la sarabande et la bourrée de la suite en mi bémol majeur, point final d’une nouvelle belle soirée musicale. Le public, par ses applaudissements nourris et répétés sut rendre hommage au talent de ce grand musicien.
Pour le concert de clôture du vendredi 20 août Magali Goimard proposait une soirée Rossini : » Rossini per tutti « . Quel lien entre Rossini et José David ? Tout simplement parce que son père Léon David avait participé à une soirée dédiée au maestro italien dans un salon parisien, soirée que le programme de ce 20 août 2021 reprenait en partie. Le public retrouvait Ludovic Selmi qui débutait le concert avec Magali en interprétant de façon très enjouée la célèbre ouverture de » La pie voleuse « . Comme la veille le ton était donné d’emblée.
Pendant presque deux heures le public allait assister à un véritable feu d’artifice au cours duquel la soprano Cécilia Arbel et la mezzo-soprano Julie Nemer – invitée pour la première fois au festival – s’en sont donné à coeur joie, soit en solo, Cécilia dans la Romance de Mathilde » Sombre forêt » de Guillaume Tell ou Julie chantant toute la détresse et la fureur de Desdémone, soit en duo lorsque les deux » divas » interprétèrent tout en nuances la Regata Veneziana et La Pesca extraites des » Soirées musicales » . La profondeur du chant, voire le recueillement se retrouvait aussi dans les oeuvres religieuses du maître italien, que ce soit dans le Quis est homo du » Stabat Mater » ou le Qui tollis de la » Petite messe solennelle « .
Les pianistes n’étaient pas en reste : Ludovic Selmi montrait l’excellence de son jeu en interprétant non sans humour l’extrait des » Péchés de vieillesse » Caresse à ma femme » pendant que Cécilia Arbel mimait toutes les minauderies de la femme désireuse de se faire aimer de son mari.
Magali Goimard avec qui il avait ouvert la seconde partie du concert en jouant d’une manière vive et entraînante l’ouverture du » Barbier de Séville » le rejoignait pour interpréter avec un entrain communicatif la célèbre » Danza « , transcrite elle aussi pour piano à quatre mains comme les deux ouvertures précédentes. José David n’était cependant pas oublié quand les deux cantatrices interprétèrent le duo » Les vierges au crépuscule » , faisant ressortir tout la caractère impressionniste de l’oeuvre. Le chant se suffit à lui-même, mais il n’est pas de bonne interprète qui ne sache l’accompagner d’un talent de comédienne pour montrer la détresse d’un personnage ou à l’opposé sa malice voire son stratagème . Parmi les moments forts de cette soirée nous retiendrons la prestation époustouflante de Cécilia Arbel dans Sento un interna voce extrait d’ » Elisabetta, Regina d’Inglhiterra » soutenue au piano par un Ludovic Selmi flamboyant. Nous retiendrons aussi toute l’espièglerie de Rosine par Julie Nemer chantant et jouant en même temps Una voce poco fa du Barbier de Séville avec beaucoup de présence et d’intensité sous les acclamations du public comme cela avait été le cas quelques instants plus tôt pour Cécilia.
L’auditoire debout à la fin du concert applaudissait avec enthousiasme les quatre artistes et la soirée se terminait en apothéose lorsque Cécilia et Julie interprétèrent en bis le fameux » Duo des chats » devant une assistance médusée par l’aisance des deux jeunes femmes à chanter et jouer l’affrontement des deux animaux.
Les portes de la chapelle se sont refermés. Reste le souvenir d’une magnifique édition que l’on doit d’abord à toute la programmation de Magali, mais aussi au talent de chaque artiste, chanteur, chanteuse ou instrumentiste, visiblement heureux de se produire dans le choeur de cette belle chapelle restaurée ! Que toutes et tous soient remerciés pour ces beaux moments d’humanité qu’ils nous ont fait vivre.
A L’ANNÉE PROCHAINE POUR UNE NEUVIEME EDITION QUI SERA, NOUS N’EN DOUTONS PAS TOUTE AUSSI RICHE QUE CELLE-CI.