Biographie d’une famille sablaise, les David

Le ténor Léon David

Les David, une famille de musiciens

 

  Né en 1913, deux ans après son frère ainé Léo, José David devait entrer au conservatoire de Paris, après son service militaire, pour y suivre les  classes d’harmonie, de fugue et d’orgue répondant ainsi à l’atavisme familial puisque leur père, Léon DAVID, après sa longue carrière lyrique, y était titulaire d’une classe de chant. L’ambiance du conservatoire à cette époque a été parfaitement rendue dans un film de Marc Allégret de 1938  » Entrée des artistes  » où figurent Bernard Blier, Odette Joyeux et Louis Jouvet comme professeur jouant son propre rôle, puisqu’il partageait alternativement sa salle de cours avec celle du cours d’harmonie suivi par José DAVID.
L’environnement familial de Léon DAVID était tout autre puisque ses parents tenaient un commerce d’épicerie rue Nationale ! C’est plutôt vers le milieu de la mer qu’il aurait pu se diriger puisque le nom DAVID était surtout connu aux Sables par ses armateurs ou capitaines au long cours. C’est grâce à l’ouverture d’esprit de ses parents et peut-être aussi à la crainte de voir leur fils disparaître en mer comme deux de ses oncles, qu’il a pu suivre des études musicales au Conservatoire de Nantes. Sa carrière allait le conduire sur les plus grandes scènes lyriques à une époque où la distraction préférée d’une très grande partie de la population, alors que cinéma, radio et encore moins télévision n’existaient pas, était de se retrouver pour applaudir ou conspuer dans ces salles les chanteurs dans des oeuvres essentiellement françaises et italiennes dans ce qui est aujourd’hui considéré comme l’âge d’or du répertoire de l’Opéra-Comique ! J’ai pu retrouver dans les papiers de mon grand-père des lettres – on s’écrivait beaucoup à l’époque – de grands noms comme Saint-Saëns, Massenet, Fauré, Albeniz, Puccini, etc. échangeant, entre autres, sur telle oeuvre ou l’interprétation de Werther, des Grieux, Rodolfo ou Don José donnée à l’Opéra-Comique, à La Monnaie, à La Scala, à  » l’Opéra Khedlival du Caire » ou sur tant d’autres scènes !

   Léon David en costume de scène

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Léon David à la ville

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Les débuts du compositeur José David devaient être contrariés et, c’est un euphémisme, par son  rappel sous les drapeaux au 72è Régiment d’ Artillerie qui eut une belle conduite en 39-40, depuis les Ardennes jusqu’à La Somme pour, hélas, continuer en retraite sur Châteaubriant, Cerizay et finir à Bergerac. Le retour à la vie civile se fait chaotique dans un Paris occupé, dans une France morcelée tant géographiquement que politiquement; si le quotidien est très mal vécu par la très grande majorité des parisiens, la vie culturelle redémarre progressivement mais sûrement grâce ou à cause de la difficulté des transports ( finis les trains de plaisir ) au couvre-feu et beaucoup au fait qu’on voulait oublier et profiter des rares distractions possibles.
Les musiciens consacrés bénéficient donc de cette période de l’Occupation où concerts et représentations lyriques dont certains donnés par des formations allemandes se poursuivent à un rythme soutenu, phénomène qui n’est pas entièrement à attribuer à une volonté collaborationniste mais aussi à la grande tradition musicale des deux cultures sans oublier les  » couvertures  » des intellectuels résistants.
Pour les jeunes musiciens, cette période est plus pénible et surtout marquée par une quête incessante à se faire interpréter, à donner des leçons ou à assurer des accompagnements. Mon père avait obtenu de  » rentrer en loge  »  pour concourir au Prix de Rome, hélas sans succès du fait qu’il n’était plus dans l’institution du Conservatoire et handicapé par la coupure de la guerre qui n’était pas  » drôle  » du tout.
En plus des concerts évoqués ci-dessus dans de nombreuses salles de la capitale, des salons musicaux accueillaient les oeuvres de jeunes compositeurs en cercles plus restreints tels José DAVID, Marcel LANDOWSKI ou Henri DUTILLEUX;  ces concerts étaient annoncés dans plusieurs publications ( Le Guide du Concert, La Semaine de Paris …. )  et la critique suivait dans les mêmes publications ou mieux les quotidiens : la télévision n’existait pas, la radio diffusait , en dehors de la propagande, des émissions de chansons légères ( on le comprend ! ) et l’industrie du disque  ( vinyle ) était en sommeil !
Cependant la capitale n’était pas la seule à assister à des créations : c’est ainsi que  » Le Marchand de Rêves  » poème d’Elise VOLLENE, musique de José DAVID, sera présenté pour la première fois au Théâtre Municipal de La Roche-sur-Yon en avril 1942.
Mon père, à l’époque, avait fait la connaissance de Nicolas OBOUHOW, inventeur d’une notation musicale simplifiée supprimant dièses et bémols, avec lequel il devait écrire un traité d’harmonie en 1946, soutenu par Arthur HONEGGER  et Florent SCHMITT. En même temps que la composition, mon père sacrifiait à l’écriture puisque, en plus de critiques occasionnelles ( Musique et Radio entre autres ), il tenait la rubrique discographique à l’Aurore, cette industrie reprenant un formidable essor.
Il s’essayait également, avec succès à la discipline de la conférence avec une première sur Maurice RAVEL, dont il était un inconditionnel, et qui fera plus tard l’objet d’une publication livresque. Il n’en continue pas moins à rester très proche de ses racines vendéennes mettant en musique un ballet sur un argument de la romancière vendéenne MAG-VINCELOT, procédant à l’harmonisation de chansons vendéennes, enregistrées par les Compagnons du Large, dirigés par Paul Mayeux, autre sablais.
En réaction à la musique dite abstraite, qui commence à se faire entendre, il fonde avec trois compositeurs de sa génération ( Amédée BORSARI, Emile DAMAIS, Jean ROLLIN ) le groupe EURYTHMIE qui affiche clairement un programme esthétique où la sensibilité doit présider à toute oeuvre artistique.
Dans les années 1960, mon père sera nommé Professeur au Conservatoire National de Musique bouclant ainsi la boucle puisque ancien élève, il avait la fierté de voir son nom succéder à celui des son père en tant que professeur.

Le compositeur José David
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Il n’en continuera pas moins la composition ( musique de scène pour une pièce jouée au Théâtre Récamier  » Le jeu du Mourir et des Poèmes « , la Symphonie ) puis partagera ses temps de loisirs entre Les Sables, Juan-les Pins et les voyages où il sera régulièrement interviewé sur les chaines de radio, à moins qu’il ne se contente de s’y produire au piano en cas d’incompatibilité linguistique !
Il s’est éteint, peu après son 80ème anniversaire, à Juan-les Pins; il repose maintenant au Vieux Cimetière des Sables.
Ses oeuvres ont été jouées dans de nombreux pays ( Angleterre, Etats-Unis, Belgique, Espagne, Maroc ) et je suis sûr que la tenue d’un festival José DAVID aux Sables-d’Olonne, maintenant à sa troisième édition, le rendrait particulièrement heureux.
Je ne terminerai pas sans une citation extraite de son livre de souvenirs  » Au Service de la Musique  » dont sont tirés les éléments essentiels de cet article.
 » Trop chargée d’un lourd héritage lyrique, nonobstant une sensible et logique évolution de mon écriture, ma nature ne s’est jamais pliée à des expériences qui partaient trop du cerveau et pas assez du coeur. « 

                                                                                                                                                  Jean-Léo DAVID